Un tour d’horizon des enjeux liés à la sexualité des personnes handicapées

Plusieurs mythes et préjugés ciblent la sexualité des personnes en situation de handicap, dans la société. En effet, ces dernières sont souvent perçues comme des êtres asexuels, non-désirables, incapables d’éprouver des désirs sexuels, inaptes à être des partenaires sexuels/parents/époux et pour qui n’importe quelle expression sexuelle est inappropriée (Addlakha, Prince & Heidari, 2017; Brodwin & Frederick, 2010; Rembis, 2010). Non seulement ces mythes affectent la sexualité des personnes handicapées, mais aussi leur concept et estime d’eux-mêmes ainsi que leur image corporelle (Brodwin & Frederick, 2010).

Genre, sexualité et handicap

Les attentes stéréotypées de féminité et de masculinité sont d’ailleurs vécues comme oppressantes par les personnes handicapées, ces dernières étant plutôt perçues en tant que victimes, impuissantes et dépendantes d’autrui aux yeux de la société (Brodwin & Frederick, 2010). Plusieurs personnes handicapées qui ont internalisé les notions dominantes oppressantes de force, de beauté, de sexe et de sexualité continuent d’ailleurs de vivre de l’insécurité et de la détresse psychologique lorsqu’ils sont confrontés à leur propre sexualité (Rembis, 2010).

Culture, sexualité et handicap

Également, les croyances culturelles influencent la façon dont les personnes voient leur place dans le monde en plus d’être un élément important dans la construction de leur sexualité. Les attitudes envers le handicap sont influencées par la perception des origines de ce handicap. En résultat, les individus, tout comme leur famille, peuvent être stigmatisés (Brodwin & Frederick, 2010).

Même si on peut dire que la sexualité est un besoin humain de base, le savoir et la conscience liés à la sexualité sont formés via une gamme d’idées et de pratiques socioculturelles et religieuses spécifiques à un contexte. Dans la plupart des cultures, le plaisir associé à l’intimité sexuelle est décrié et nié, les personnes handicapées se voyant systématiquement refuser l’accès au savoir à propos de la sexualité, des comportements sexuels et des services, les effaçant ainsi de la sphère sexuelle (Addlakha et al., 2017).

Relations, sexualité et handicap

Le travail, l’école ou d’autres environnements sociaux sont les endroits où la plupart des gens rencontrent de futurs partenaires. Or, un manque d’accessibilité aux transports publics, des ressources économiques inadéquates, l’inaccessibilité physique et peut-être de manière plus importante les attitudes de la famille, des amis, des professionnels de la santé et de potentiels partenaires ont empêché les personnes handicapées d’expérimenter et d’exprimer leur propre sexualité (Brodwin & Frederick, 2010; Rembis, 2010).

 

Dans un autre ordre d’idées, Internet est identifié comme une façon de rencontrer des gens, sans que le handicap soit nécessairement la première chose remarquée par un partenaire potentiel, en plus d’avoir l’option de rester anonyme (Parker & Yau, 2012).

Les personnes en situation de handicap vivent également plus de violence conjugale que la population générale et ont moins d’options de quitter la relation abusive. La violence pouvant d’ailleurs prendre des formes particulières telles que la sur ou la sous-médicamentation, le contrôle, le refus d’aider aux soins personnels ou encore le blocage à l’accès aux moyens de mobilité spécialement conçus pour leur handicap, comme une chaise roulante, par exemple. Non seulement les violences peuvent être perpétrées de manière insidieuse, mais les personnes handicapées victimes de ces abus se voient souvent limitées dans leurs efforts pour obtenir de l’information et de la protection légales. En effet, les bâtiments et informations sont souvent inaccessibles et rendus difficiles d’accès à cause du transport adapté, du manque de logement ainsi que de la discrimination à l’emploi. De plus, les lois actuelles limitent ce qu’on peut qualifier d’abus dans nos communautés; ce qui constitue un crime ne prend pas nécessairement en compte le handicap ou les types d’abus culturellement spécifiques (Cramer & Plummer, 2009).

Facteurs facilitant l’ajustement sexuel

L’adaptation sociale, psychologique et physique aux limitations sexuelles ou aux changements dans le fonctionnement sexuel est facilitée par plusieurs facteurs. Tout d’abord, avoir un partenaire supportant est un élément majeur contribuant au développement et au maintien d’une relation intime saine. Être capable de discuter de problématiques sexologiques avec quelqu’un vivant une situation similaire est également une forme de support qui ne pourrait être fourni par quelqu’un n’ayant pas de handicap. La communication et la créativité dans l’expression sexuelle sont aussi des facteurs essentiels permettant d’accommoder leurs besoins sexuels. Également, développer des stratégies personnelles tel qu’un sens de l’humour, maintenir son apparence physique et se sentir attirant permet aux personnes handicapées de surmonter les difficultés associées à leur handicap, telles que celles reliées à leur image corporelle (Parker & Yau, 2012).

Le futur de la sexualité

En conclusion, transformer le futur des sexualités semble primordial. Pour ce faire, il faut reconnaître que les notions de sexe et de handicap sont malléables, et très souvent variées. Elles ne sont pas fixes ou rigides, ni ancrées dans notre biologie. Les corps handicapés doivent cesser d’être des objets d’abus et de négligence, ou de pitié, de peine et de charité, pour qu’ils puissent devenir des objets de désir et d’érotisme (Rembis, 2010).

Concrètement, à quoi s’engage-t’on?

L’AMEIPH a pour conviction que le droit à une sexualité positive, satisfaisante et sécuritaire est un droit fondamental acquis pour tous, indépendamment de l’ethnie, du genre, de l’orientation sexuelle ou encore des capacités corporelles de chacun. C’est pourquoi un programme d’intervention sexologique ayant pour thème le droit à la sexualité est actuellement en construction et sera implanté, en hiver 2020, à l’AMEIPH. Également, sous forme de soirée cinéma, de rencontres de groupe ou encore de café-discussion, divers thèmes en lien avec la santé sexuelle et affective des personnes issues de l’immigration et/ou en situation de handicap seront abordés avec la stagiaire en sexologie. Tout dépendant des sujets, les clientèles ciblées varieront, allant de tous les membres de l’AMEIPH au groupe de Femmes sans Frontières, en passant par le groupe d’étudiants présentant une déficience intellectuelle. Pour terminer, je vous invite à aimer la page Facebook de l’AMEIPH, sur laquelle je partage, chaque mardi, une publication à saveur sexologique.

Pour toutes questions ou commentaires, n’hésitez pas à me consulter!

Je suis présente à l’AMEIPH les lundis et mardis de 8h30 à 16h. Vous pouvez me contacter au 514-272-0680 #31 ou par courriel au [email protected]

 

Marie-Pier Goulet, stagiaire en sexologie

Bibliographie

Addlakha, R., Price, J. & Heidari, S. (2017) Disability and sexuality: claiming sexual and

reproductive rights, Reproductive Health Matters, 25(50), 4-9. doi: 10.1080/09688080.2017.1336375

 

Brodwin, M.G. & Frederick, P.C. (2010). Sexuality and Societal Beliefs Regarding

Persons Living with Disabilities. Journal of Rehabilitation, 76(4), 37-41. Repéré à http://web.b.ebscohost.com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/ehost/pdfviewer/pdfviewer?vid=1&sid=9bc8f47f-6e03-468c-bb22-58f5ad492452%40pdc-v-sessmgr03

 

Cramer, E.P. & Plummer, S-B. (2009). People of Color with Disabilities:

Intersectionality as a Framework for Analyzing Intimate Partner Violence in Social, Historical and Political Contexts. Journal of Agression, Maltreatment & Trauma, 18(2), 162-181. doi: 10.1080/10926770802675635

 

Parker, M.G. & Yau, M.K. (2012). Sexuality, Identity and Women with Spinal Cord Injury.

Sexuality and Disability, 30(1), 15-27. https://doi.org/10.1007/s11195-011-9222-8

 

Rembis, M.A. (2010). Beyond the Binary: Rethinking the Social Model of Disabled

Sexuality. Sexuality and Disability, 28(1), 51-60. https://doi.org/10.1007/s11195-009-9133-0